Intervenant : Eric Bousmar
En septembre 1419, le duc de Bourgogne et comte de Flandre Jean sans Peur est assassiné sur le pont de Montereau, lors d’une entrevue diplomatique avec le dauphin, futur Charles VII. Les
conséquences de cet incident sont importantes sur le déroulement de la Guerre de Cent Ans et la genèse de l’Etat bourguignon, puisque le nouveau duc, Philippe le Bon, s’alliera au roi
d’Angleterre contre le parti du Dauphin et soutiendra la mise en place de la "double monarchie", système où Henri VI sera simultanément roi de France et d’Angleterre. À l’occasion de la
commémoration du meurtre et du traité de Troyes (2019-2020), plusieurs colloques et une exposition, au programme chahuté par la pandémie, sont revenus sur la question. Dans ce contexte, une
exploration de la mémoire iconographique du meurtre de Montereau a été réalisée. Pour la première fois, on a tenté un répertoire des images du meurtre conservées sous forme matérielle, au-delà
des deux miniatures bien connues depuis le 19e siècle, souvent reproduites sans être analysées.
Aucune image du meurtre de Montereau contemporaine des faits n’est connue. Les premières représentations visuelles du meurtre connues n’apparaissent qu’un
demi-siècle plus tard. Il ne s’agit pas de témoignage des faits mais bien d’illustrations de chroniques. Elles se situent dès lors à l’articulation de la "mémoire vive", portée par les
contemporains, et d’une mémoire culturelle. Quatre miniatures ont été repérées, toutes produites dans le contexte politique des Pays-Bas bourguignons. Elles s’inscrivent dans un programme
iconographique pro-bourguignon, justifiant l’alliance anglaise par l’action meurtrière du camp delphinal. Le meurtre de Montereau semble ensuite s’effacer comme thème iconographique durant la
période moderne. Il ressurgit par contre à la période romantique. On peut le suivre, notamment en France et en Belgique, dans la peinture (Delacroix) et la gravure d’histoire, puis dans d’autres
media comme le chromo, l’image d’Épinal, la carte postale, la littérature illustrée pour la jeunesse et la bande dessinée. Plus d’une trentaine de ces images produites au 19e-21e siècles ont été
repérées et constituent un corpus inédit à ce jour, mais toujours provisoire.
L’exposé reviendra sur la constitution et l’interprétation de ce corpus, et sur le sens politique et le contexte des images qu’il présente.