Midi CRHiDI : L'identité culturelle face à la restitution des biens et restes. Cas des Tabwa et Yeke (19e-21e s.)

Le 10 mars 2025

Mis sur pied en 2014, les Midis du CRHiDI sont l'occasion de donner la parole aux chercheur·e·s du centre (ou d'institutions extérieures) afin de présenter une recherche en cours. Ils doivent permettre de montrer l'actualité des recherches en histoire du droit, des institutions et de la société telles qu'elles sont menées actuellement.

Intervenant : Hervé Katolo Kaseba (Université de Lubumbashi / UCLouvain Saint-Louis Bruxelles)

La problématique de la restitution soulève de multiples questions : à qui, comment et pourquoi restituer ?

 

Lors de ce Midi du CRHiDI, Hervé Katolo présentera les premiers résultats des enquêtes de terrains réalisées dans le cadre de la thèse qu'il mène au sein du projet de recherche pour le développement (ARES - PRD) "Vers la réappropriation psychosociale et la resocialisation par les communautés sources du Katanga des dépouilles d’anciens à rapatrier et des objets culturels à récupérer".

 

Au Congo, en général, et chez les Batabwa et les Byeke, en particulier, la restitution est une préoccupation majeure. Pour ces deux communautés, la restitution est perçue comme une reconnection nécessaire. Bien que la restitution ne soit pas une actualité pour les Tabwa et les Yeke, elle est au moins discutée par les intellectuels. Étant une question culturelle, les communautés concernées souhaitent que l'État belge s'adresse directement à elles lors du processus de restitution, espérant obtenir le soutien total de leurs ancêtres.

 

Les communautés étudiées considèrent la restitution comme une réparation qui doit se faire entre l'État belge et les communautés concernées. Cela signifie que les biens culturels restitués doivent être ramenés dans leur milieu d'origine, et que les restes humains, tels que les crânes de Lusinga et M'siri, doivent être dignement enterrés après leur rapatriement. Les communautés belges voient la restitution non pas comme une affaire d'État à État, comme le prévoit la loi belge de 2022, mais plutôt comme une affaire entre l'État belge et les communautés congolaises. Selon les Batabwa et les Bayeke, cette approche permettrait de mener à bien la restitution et d'obtenir de bons résultats. Ils considèrent la restitution comme la libération de dieux longtemps isolés dans les musées, qu'ils perçoivent comme des prisons. Le processus de restitution d'État à État, qui encourage le transfert des collections muséales belges dans les musées congolais, ne permet pas cette libération. Pour eux, il ne s'agit que d'un transfert de prisonniers d'une prison à une autre.

 

Les Batabwa et les Bayeke rappellent qu'avant leur arrivée en Europe, ces objets avaient des fonctions et des rôles spécifiques au sein de leur société, ce qui motive leur demande de restitution comme moyen de reconnection. En s'inspirant de la restitution du masque suku par le roi Philippe au président Tshisekedi, ils ont compris que se faire remplacer par l'État dans le processus de restitution pourrait non seulement décevoir leurs attentes, mais aussi transformer cet événement en un simple prêt, comme ce fut le cas pour le masque "Kakungu".

 

Les Batabwa et les Bayeke souhaitent que l'État intervienne en tant que témoin et non comme acteur. Pour les Batabwa, la restitution est une correction des atrocités qui ont coûté la vie à leurs chefs depuis le décès de Lusinga. Pour les Bayeke, elle représente le retour du héros fondateur de leur chefferie.

 

 

Ainsi, la restitution est une réalité à vivre. Les objets à restituer et les personnes à rapatrier incarnent la culture, l'identité et l'essence de ces communautés. La réussite de cette restitution dépendra de la démarche entreprise, qui doit prioritairement avoir une dimension culturelle, avec l'État en tant que témoin.

 


Informations pratiques

Lundi 10/03/2024 - 12h-14h

UCLouvain Saint-Louis - Bruxelles

Bvd du Jardin Botanique, 43

1000 Bruxelles

Local P61 (vers le plan d'accès de l'Université)

 

Lunch - Accueil et présentation de l'intervenant - Exposé - Discussion.

 

La participation à ce Midi du CRHiDI est gratuite, mais sur inscription via ce formulaire avant le 6 mars 2025.

 

Centre de recherches en histoire du droit, des institutions et de la société

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