Fondé en 1995, le Centre d'Histoire Religieuse (CHIREL) à l'Université Saint-Louis - Bruxelles est désormais intégré au CRHiDI sous la forme d’un groupe spécifique. Il vise, en lien avec celui-ci, à créer un environnement de recherches favorable aux études touchant l’influence de la religion sur le droit et sur la société et réciproquement, à faire connaître les publications de ses membres et à organiser des journées d’études, colloques, conférences, etc.
Son activité se déploie suivant deux axes, l'un empirique et l'autre de nature plus conceptuelle :
Quatre champs principaux peuvent être définis :
Sur son axe d’histoire conceptuelle, le Centre d'Histoire Religieuse envisage la question des rapports entre religion et société comme une non évidence, dont la possibilité suppose une conception de la religion où celle-ci se constitue au siège d’une activité irréductible à d’autres formes d’organisation sociale, notamment l’Etat.
Ce qui paraît une évidence pour un esprit occidental représente en réalité une singularité dans le contexte de l’anthropologie historique du fait religieux. La révolution à l’œuvre se mesure sur la structure sémantique de nos langues modernes, qui ont hérité du changement de sens du mot latin religio advenu dans le contexte de l’avènement du christianisme comme religion officielle de l’Empire romain dans l’Antiquité tardive. S’il passe aujourd’hui inaperçu sous la continuité du signifiant, ce changement n’en est que plus opératoire d’un processus dont il est impérieux de prendre et de reprendre conscience.
Le dégagement chrétien de la « religion » des espaces cultuels, géographiques ou sociaux, auxquels elle n’est plus superposable, n’a pas eu de conséquences que religieuses, en effet, mais ses implications sur l’organisation de la société et sur la conception même de l’ordre juridique furent décisives dans la perspective de nos droits sécularisés fondés sur les droits de l’homme : en résultèrent notamment la séparation de l’imperium et du sacerdotium, la subversion du ius personarum par la reconnaissance de la personne au siège d’une liberté antérieure à l’institution de la cité, l’exigence de conformité à la raison et à la vérité pour l’identification de la norme coutumière, etc.
En opposant la liberté des anciens à celle des modernes, Benjamin Constant soulignait que la tension constitutive de la modernité n’est de nature philosophique et politique que par voie de conséquence à une opposition plus ancienne, et plus fondamentale, de nature religieuse : celle-là même qui produisit le dégagement de la religion de l’Etat et des identités communautaires avec lesquelles elle fusionne par définition dans un contexte archaïque, suscitant en particulier la liberté de choisir sa religion, au lieu de se la voir imposer sur la base de situations sociales, — liberté moderne par excellence, — ainsi que toutes les jouissances privées dont le célèbre libéral voit parfaitement que la condition de possibilité ultime réside dans une évolution de nature religieuse.
L’axe de la comparaison avec l’antique, avec le grec entendu au sens de la religion civique des anciens, donc de l’archaïque, et non au sens de la raison philosophique, comme sortie de l’archaïque, sur lequel s’entendent inversement les modernes, constitue un pivot de l’histoire du droit et des institutions sur lequel notre attention s’est émoussée. A l’heure où les sciences humaines, imbues de méthodes importées des sciences exactes, sont en veine de trouver leur paradigme, et où le redéploiement des idéologies totalitaires et génocidaires se fait sous nos yeux au nom de Dieu et de la religion, le Centre propose de reprendre à nouveaux frais les problématiques que les convergences et les ruptures entre droit, raison et religion comportent sur fond de la ligne d’horizon que trace l’avènement du christianisme dans l’Antiquité tardive.